20.12.19
MMM France a fait part au Figaro de ses propositions pour les mères dans le cadre de la réforme des retraites. Elles ont été reprises par Agnès Leclair dans le journal du 18 décembre 2019. Nous la remercions vivement de cet article et de nous permettre sa publication sur notre site.
C’est une phrase qui a du mal à passer. Les femmes seront les «grandes gagnantes» de la réforme des retraites, a promis le premier ministre le 11 décembre. Une assertion qui a réussi à s’attirer à la fois les foudres des associations familiales «traditionnelles» et des militantes féministes de gauche.
Les premières déplorent un manque de reconnaissance pour les mères de famille et pointent une nouvelle entaille dans la politique familiale. Les secondes mettent plutôt en avant les inégalités entre les femmes et les hommes. Toutes craignent d’être plutôt les «grandes perdantes» de la réforme.
Aujourd’hui, les femmes perçoivent en moyenne 42 % de moins que les hommes à la retraite en raison de leurs carrières « à éclipses ».
Ce front inédit se situe sur deux lignes différentes, mais partage le constat qu’aujourd’hui, les femmes perçoivent en moyenne 42 % de moins que les hommes à la retraite en raison de leurs carrières «à éclipses», de leurs temps partiels fréquents et de leurs salaires inférieurs à leurs homologues masculins. Dans ce contexte, le système de bonification de 5 % par enfant qui viendrait remplacer les huit trimestres accordés par naissance est jugé «défavorable aux mères ayant des carrières hachées». «Les trimestres de bonification sont utiles aux mères ayant des carrières incomplètes. Seules les mères ayant travaillé 42 ans à plein temps auront un “avantage” avec ce nouveau mode de bonification», tacle Marie-Laure Gagey des Brosses, porte-parole du mouvement Make Mothers Matter (MMM) France.
Avec une retraite calculée sur l’ensemble de la carrière, «les périodes de temps partiel, de congé parental ou de chômage se paieront cash pour les femmes», tonnent de leur côté les signataires de l’appel #GrandesGagnantes qui réclament «le retrait de cette réforme sexiste». Ce collectif compte des syndicalistes, des historiennes, des militantes associatives et des politiques, comme Clémentine Autain, députée LFI. Cette dernière a d’ailleurs réuni plusieurs centaines de femmes, lundi dernier à Paris, à la Maison des métallos, pour appeler à une mobilisation féministe.
Le choix laissé aux couples d’attribuer au père ou au à la mère les 5 % de bonification par enfant interroge également Anne-Cécile Mailfert, présidente de la Fondation des femmes. Certes, cette option de partage avec le père existe déjà aujourd’hui pour les trimestres de bonification. Mais le raisonnement sera-t-il le même avec des points? «Les couples risquent de faire un choix de rationalité économique en attribuant ces 5 % au salaire le plus élevé, généralement celui de l’homme. Or, les discriminations liées à la grossesse sont vécues par les femmes et non par les hommes. Je crains que les inégalités de pension continuent de s’accentuer», s’alarme-t-elle.
Du côté des familles nombreuses, l’inquiétude est aussi sensible. Les projets du gouvernement laissent «un sentiment de déconsidération de la maternité» à Ingrid, 39 ans, infirmière scolaire, mère de six enfants, actuellement en congé parental. «Nous craignons d’être perdants sur toute la ligne, confie-t-elle. Avoir beaucoup d’enfants est un choix de couple et un choix de vie qui suppose de vivre avec moins de revenus et de prendre du temps pour sa famille. Cela entraîne des pauses dans sa carrière, des aménagements dans son rythme de travail.» Les trimestres accordés par enfant permettaient aux femmes «d’espérer avoir une retraite à peu près correcte à l’âge moyen du départ», poursuit-elle. «Cet espoir est en train de disparaître. Pourtant, nos enfants seront les travailleurs de demain qui cotiseront pour ce système par répartition. Ne pas reconnaître cet apport au système nous semble très injuste!» Les AFC (Associations familiales catholiques) voient d’ailleurs comme une injustice le projet de remplacer les 10 % de majoration pour les pères et mères de famille nombreuse par 5 % de majoration pour le père ou la mère par enfant élevé et 2 % supplémentaire pour trois enfants ou plus. «Les familles de trois enfants et plus ont déjà un niveau de vie inférieur de 26 % aux familles d’un ou deux enfants. Rappelons aussi que seules les familles de plus de deux enfants permettent le renouvellement des générations…», martèlent les AFC.
«Une réforme est aujourd’hui nécessaire, parce qu’il n’y a pas assez d’enfants pour assurer le système par répartition des retraites. Mais la façon dont cette réforme est menée risque d’entraîner une nouvelle baisse de la natalité. C’est le serpent qui se mord la queue», abonde Marie-Laure Gagey des Brosses.
L’Unaf (Union nationale des associations familiales) appelle pour sa part à une «meilleure prise en compte des mères de famille» dans le futur système. Elle salue cependant un coup de pouce du gouvernement en direction des familles nombreuses, avec les 2 % supplémentaires.
Enfin, la question des pensions de réversion ne manque pas de faire grincer les dents. Dans le nouveau système, un conjoint veuf ne recevrait plus une part de la pension du conjoint décédé mais se verrait garantir une pension recalculée pour garantir le maintien de 70 % du niveau de vie du couple. «Les pensions de réversion excluraient désormais les couples divorcés et seraient accessibles seulement une fois à la retraite», dénonce le mouvement des #GrandesGagnantes.
Pour les conjoints divorcés, il appartiendrait aux juges de partager les points acquis par chacun des deux conjoints. «Il y a fort à craindre que les juges peinent à répartir équitablement les points lorsque l’un des conjoints a réduit ou interrompu son activité pour éduquer les enfants, souligne Make Mothers Matter (MMM). Et quid des couples déjà divorcés mais concernés par le nouveau système? Encombrement des tribunaux garanti!»
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