Lettre ouverte à Agnès Buzyn, ministre des solidarités, concernant la réforme de la PAJE

10.11.17

MMM FRANCE a fait des propositions sur la réforme de la PAJE à l'occasion du débat sur le PLFSS 2018

Madame la Ministre,

Lors des débats du 27 octobre à l’Assemblée Nationale, vous avez indiqué votre attachement à la politique familiale française et nous vous en remercions. Mais nous souhaitons cependant revenir sur quelques points du débat et de la réforme de la PAJE incluse dans le Projet de Loi de Finances de la Sécurité Sociale (PLFSS) pour 2018, en espérant que notre contribution soit constructive et puisse être utile aux familles et au redressement de l’économie de notre pays.

Pourquoi faut-il s’inquiéter de la baisse du nombre de naissances

Vous avez évoqué le recul de la natalité française en estimant qu’il était transitoire tout en disant que s’il devait être plus durable ou s’accentuer, cela vous inquiéterait.
Nous tenons à rappeler qu’il est né au cours du dernier quinquennat 140.000 bébés de moins que pendant les 5 années précédentes. Certes, le nombre de femmes en âge de procréer est en recul depuis une dizaine d’années en France mais, la politique familiale dynamique de notre pays permettait jusque dans ces toutes dernières années de maintenir un taux de fécondité relativement élevé en comparaison de nos voisins européens et une bonne vitalité démographique.

Les nombreuses réformes mises en oeuvre au cours du dernier quinquennat, en restreignant les moyens financiers alloués aux familles mais également en compliquant l’accès aux solutions d’accueil pour les tous petits a directement contribué à déstabiliser un certain nombre de familles, faisant renoncer certaines d’entre elles à accueillir un enfant supplémentaire.
Notre association a reçu des milliers de témoignages de jeunes parents, de toutes catégories sociales et de tous les départements à l’occasion de la réforme du congé parental partagé. Les classes moyennes et les familles modestes ont été particulièrement impactées par cette mesure, et ce d’autant plus que les créations de places d’accueil promises n’ont pas été au rendez-vous pour compenser la limitation des droits de recours au congé parental à 2 ans maximum pour un parent.
Vous le savez, un quart des dépenses de solidarité en France sont des dépenses de retraites. Il est donc absolument vital d’assurer un certain soutien à la natalité, ne serait-ce que pour avoir suffisamment de cotisants dans trente ans pour financer les pensions des adultes d’aujourd’hui et pouvoir espérer maintenir durablement le modèle social français.
1 Insee Première, naissances France Métropolitaine, septembre 2017

Un déficit de solutions d’accueil qui pénalise les mères et les familles

Les tous derniers chiffres du HCFEA démontrent la situation catastrophique que le précédent gouvernement a laissé concernant les modes de garde en France. En déstabilisant gravement le congé parental, en ne remplaçant pas un grand nombre d’assistantes maternelles qui partent à la retraite et en ne créant qu’une toute petite partie des places de crèches et d’accueil à l’école qui étaient promises, les familles se retrouvent en cette fin d’année 2017 avec une situation moins bonne qu’en 2012 alors même que des fonds importants ont été investis dans la création de structures d’accueil. Le tableau ci-après récapitule la situation complète des solutions d’accueil pour les 0-3 ans à fin 2016 et donne quelques indications de la dégradation en cours en 2017 avec la montée en charge du congé parental partagé qui est un échec patent.

Des signaux alarmants en termes d’égalité homme-femme :

Notre association est particulièrement préoccupée par le dernier rapport de la Cour des Comptes qui indique un recul de l’insertion professionnelle des mères de 1 et 2 enfants. Or, avant la montée en puissance de l’ensemble des dernières mesures affectant la politique familiale, la France réussissait le double exploit d’avoir un indice de fécondité dynamique et un taux d’emploi des femmes nettement supérieur à celui de la moyenne européenne. Ce n’est qu’à partir du 3ème enfant que l’on constatait un net recul du travail des mères. En outre, les pères peinent toujours à s’investir dans le congé parental (- de 5% des bénéficiaires en 2015). Il semble donc que la réforme ait été contre-productive. MMM France avait pourtant alerté le Ministère des droits des femmes et les parlementaires en 2013 et 2014 : le congé parental partagé, construit autour du seul principe d’égalité hommes-femmes en occultant totalement l’équilibre financier des familles, la nature des métiers exercés par les parents (prof. libérales/salariés/fonctionnaires…) et le libre choix des familles ne pouvait réussir.

Le manque de moyens donnés aux collectivités locales pour mettre en oeuvre des solutions d’accueil alternatives (crèches, relais d’assistantes maternelles, …) a conduit à la solution catastrophique que nous connaissons aujourd’hui et qui se traduit à la fois en une baisse de la natalité et une baisse du taux d’emploi des femmes.

Le taux de travail des femmes et plus particulièrement des mères dépend en grande partie d’une offre de modes de garde variés, en nombre suffisant et abordable. Si le gouvernement veut faire de l’égalité entre les femmes et les hommes une grande cause nationale, la politique familiale devra concentrer ses efforts sur ce point de façon pragmatique et non dogmatique.

Une volonté d’harmonisation des allocations qui est incohérente

Dans un tel contexte, l’alignement à la baisse du montant de la PAJE et des plafonds pour pouvoir en bénéficier ne pourra qu’aggraver la situation des familles et tout particulièrement celle des familles les plus modestes.

Vous avez indiqué très clairement dans les débats le choix du gouvernement de lutter contre la pauvreté et de soutenir les familles les plus modestes. Comment expliquer alors que vous prévoyez de diminuer de 15 € par mois / 187 € par an les aides pour les familles les plus précaires qui accueilleront un enfant après le 1er avril 2018 ?

Vous indiquez vouloir harmoniser la PAJE avec le complément familial mais très curieusement, vous prévoyez d’allouer 169 € par mois de PAJE à des familles qui auront droit, une fois que leur enfant aura 3 ans à 236 € de complément familial. Et pour les classes moyennes, celles qui pourront bénéficier à terme de 169 € de complément familial n’auront quand leur enfant sera en bas âge que 84,50 € de PAJE. Où est la logique ?

Vous avez posé plusieurs fois la question suivante au cours des débats – et il est vrai qu’aucun député ne vous a répondu : « Un enfant de moins de 3 ans coûte-t-il plus cher qu’un enfant de plus de 3 ans ? » Permettez-nous d’y répondre : Oui, clairement oui. Jusqu’à 2 ans ½ environ, un enfant porte des couches qui coûtent environ 40 € par mois à ses parents. Un petit de moins de deux ans consomme du lait maternisé qui entraîne des dépenses de l’ordre de 70 € par mois, coût bien supérieur à celui du lait de croissance qu’il consommera dans les années suivantes. Au cours de ses trois premières années, un enfant change 7 fois de taille de vêtements. Et un tout petit se salit d’avantage qu’un plus grand, imposant d’avoir un minimum de vêtements de rechange. Lorsque les femmes travaillent, ce qui est le cas de l’immense majorité des mères aujourd’hui, les petits pots sont une solution pratique et rapide pour varier les repas d’un jeune enfant. Leur prix prohibitif vient rapidement grever le budget familial.

Un impact très élevé de la réforme sur les familles des classes moyennes

Notre association a regardé quel serait l’impact réel de la réforme sur les différentes catégories de familles. Le graphique ci-après, basé sur les chiffres publiés par la commission des affaires sociales de l’Assemblée Nationale du 17 octobre 2017 démontre clairement que l’ensemble des familles seront perdantes. Nous sommes particulièrement préoccupées de voir que certaines familles gagnant 2 SMIC auront un manque à gagner de 1200 € par an ce qui est loin d’être un simple coût de rabot.

Une nécessaire réflexion de fond sur la politique familiale

Le contexte actuel suppose d’engager une véritable réflexion de fond sur les moyens alloués à la politique familiale et sur les orientations les plus pertinentes pour accompagner au mieux les familles qui en ont le plus besoin. Nous nous réjouissons des travaux que vous annoncez vouloir mener avec une large concertation sur ce sujet.

Notre association a conduit depuis plusieurs années une véritable réflexion de fond sur les moyens de conduire une politique familiale efficace avec des moyens budgétaires réduits. En 2014, nous avions été auditionnées à l’Assemblée Nationale par Madame Clergeau qui avait salué la pertinence de nos propositions…mais sans que ceci n’aboutisse malheureusement au moindre projet de réforme. Au Sénat, la commission des affaires sociales reçoit chaque année notre association et semble apprécier nos propositions réalistes. Plusieurs collectivités locales ont commencé à mettre en oeuvre une partie des préconisations que nous portons avec des résultats très intéressants.

Notre association, qui est également présente au niveau européen, a fait adopter par la commission européenne des propositions très pertinentes et peu coûteuses pour favoriser l’articulation des temps et une meilleure implication des pères dans la vie familiale.

Au cours de la campagne présidentielle, nous avions eu des premiers contacts avec Edouard Tétreau dans l’équipe d’Emmanuel Macron et il avait manifesté un vif intérêt pour certaines de nos propositions.

Nous serions très heureuses d’avoir l’occasion vous présenter ce travail dans le cadre de la réflexion que vous menez sur la politique familiale française.

Dans cette attente, nous souscrivons à ce qu’ont dit plusieurs groupes parlementaires et tout particulièrement le MODEM et les Constructifs : la réforme de la PAJE, compte-tenu de son impact, ne pourrait-elle pas être remise à l’année prochaine, une fois déterminées les modalités complètes des aides matérielles et financières qu’il convient d’apporter aux différentes typologies de familles ?

En vous remerciant par avance de l’accueil que vous ferez à nos propositions, nous vous prions de croire, Madame la Ministre, à l’expression de toute notre considération.

Ilhame Borie                              Marine Soret       &      Edwige Pelliet
Présidente MMM France        Equipe Playdoyer / Team Advocacy MMM France

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