01.06.17
Coté Mères n°7
Edito
Résumé des échanges du diner de Deuil La Barre le 18 mai 2017
Des idées pour mieux vivre dans ma ville
Interview de Jean Baptiste Nouailhac, responsable de développement à la Fondation Espérance Banlieues
D’une région à l’autre, d’un pays à l’autre, les mouvements de population s’accélèrent. Les raisons sont multiples et les conséquences aussi. Malgré tout une constante demeure : le désir de lutter contre l’isolement, de nouer de nouveaux liens, faute de quoi est douloureusement ravivé le regret de ce et ceux qu’on a laissé(s).
Ce désir d’intégration est particulièrement fort chez les mères qui souhaitent que leurs enfants soient accueillis et insérés le mieux possible dans un environnement qui n’est pas naturellement le leur . A ce titre l’univers scolaire et para scolaire joue un rôle important comme on peut le voir dans le témoignage des écoles Espérance Banlieue.
Mais les mères expriment aussi le besoin de bénéficier pour elles-mêmes de lieux d’accueil et de retrouvailles pour échanger, partager, se soutenir mutuellement. Ce besoin est particulièrement formulé par les jeunes mères en congé maternité ou parental et les mères seules (veuves, divorcées, à la tête de familles monoparentales) parfois aussi tiraillées entre leurs cultures de naissances et d’adoption.
Toutes ces raisons expliquent la chaleur et la richesse des échanges lors du dîner à Deuil- la- Barre (95), le 18 mai dernier. Cette rencontre organisée par la mairie en partenariat avec MMM France a permis à une soixantaine de mères (et 2 pères) issus d’une douzaine de pays différents comme de plusieurs régions de France, de parler des apports et des difficultés liés à leur délocalisation comme d’exprimer leurs attentes pour aider à mieux vivre ensemble.
Il est bon de noter que, dans ce contexte, le rôle de notre mouvement a toute sa place, lui qui a pour vocation de rassembler, de valoriser et de faire entendre la voix des mères par-delà les frontières. La pratique des dîners interculturels qui est la nôtre depuis de nombreuses années a un long avenir devant elle…
Dîner à Deuil la Barre le 18 mai 2017 : Mon pays, ton pays comment vivre ensemble avec nos différences ?
Les graves intempéries qui ont doublé ou triplé le temps de trajet n’ont pas rebuté les participantes inscrites pour le dîner d’échange organisé ce jeudi soir 18 mai à Deuil la Barre. Il faut dire que l’enthousiasme des responsables de la maison des familles de la ville a été communicant et une soixantaine de mères de famille sont attendues pour échanger sur le sujet.
Après un accueil et une introduction par Mme Muriel Scolan, Maire de Deuil, les tables se remplissent, une animatrice locale formée par MMM France ou les animatrices MMM elles-mêmes invitant les participantes à se présenter et échanger selon un fil rouge identique pour toutes : mon pays, ma ville d’origine – ce que j’ai apprécié en arrivant, ce que j’ai regretté, ce qui m’a aidé et ce que je suggère là où j’habite pour faciliter la vie ensemble.
Le buffet était alléchant, aux couleurs lui aussi de la diversité culturelle, les échanges spontanés et chaleureux. Nous avons même eu le plaisir d’être accompagnées de quelques morceaux à l’accordéon.
Bref, une belle et riche soirée, avec l’envie de recommencer très vite sur un autre thème et le plein d’énergie pour les belles suggestions à mettre en œuvre. Puisez des idées en lisant le résumé ci-après.
Ce que j’apprécie dans mon nouveau pays, ma nouvelle région, ma nouvelle ville :
« ça fait du bien de faire le point sur ce qui est positif, on ne prend pas souvent le temps de le faire et on finit par l’oublier. Ca aide aussi à relativiser pour ce qui va moins bien… « « Quand on est très gâté on en demande toujours plus « « C’est difficile d’être ‘pauvre’ dans un pays riche… ça remonte le moral de voir aussi ce qui marche »
Etudes et monde du travail
La possibilité pour nos enfants de faire des études gratuitement et de choisir ce qu’ils veulent faire dans la vie.
La bonne orientation, accompagnement pour choisir un travail.
Le bon accueil dans le monde du travail
Santé
La possibilité d’accès aux soins pour tous et pas seulement les riches
La bonne prise en charge des mamans à l’hôpital pendant quelques jours pour les naissances
Vie sociale
La volonté de mieux vivre ensemble développée par la mairie de la ville où je suis arrivée (activités municipales, réseau de quartier)
La mixité sociale
La rencontre avec les gens du quartier
La liberté que j’y ai, en tant que femme, de vivre ma vie comme je l’entends//Tunisie pays d’origine de mes parents
Vie quotidienne
La facilité des transports en commun
La sécurité par rapport à d’autres villes, départements, pays
Vie personnelle
Une meilleure connaissance de soi compte tenu de l’éloignement des gens que je connaissais avant ; j’ai appris à être bien avec moi-même.
Ce qui m’a le plus aidée :
« ne pas se sentir seul, vivre ensemble c’est ce qui compte pour moi… la musique aussi, parfois ça me fait pleurer quand je pense au pays. «
Les lieux de proximité :
L’école qui oblige à apprendre la langue et à s’insérer (arrivée à 5 ans je ne parlais pas Français j’ai appris en 6 mois)
La sortie de l’école et l’ascenseur des immeubles : lieux de proximité permettant des échanges improvisés sur la vie du quartier.
Le monde associatif, cultuel, et ses multiples propositions :
Les associations de quartier qui permettent : de sortir de chez soi, de faire des connaissances, de développer un hobby, de se sentir utile, mieux reconnue, d’apporter de l’aide pour mieux comprendre les lois, l’administration, etc
Le réseau amical parfois plus présent que la famille
L’entraide entre mamans pour garder les enfants ou les accompagner à l’école//liens d’amitié solides facilitant l’installation dans un nouveau quartier
L’Eglise qui permet de rencontrer des gens.
Le Café solidaire qui m’a sorti de ma solitude
L’investissement en tant que bénévole dans le café Solidaire du Secours Catholique
La lecture pour affiner la langue : je lisais beaucoup en arrivant à 20 ans, je mettais des petits mots partout// français//créole
Cultiver le sens de l’humour ou comment trouver une autre réponse à cette situation : le garagiste demande à une jeune conductrice noire : D’où venez-vous Mademoiselle ? De Ponto Combault … De quelle région d’Afrique est-ce ?… Très fâchée la jeune fille répond : Mais c’est en France, en région parisienne !
Mettre en place des règles pour gérer les deux cultures et s’adapter au rythme du pays où l’on vit pour réguler la générosité parfois envahissante de la famille, calquée sur mode de vie du pays d’origine : ex : les grands parents viennent les we mais pas en semaine, on téléphone avant de venir, préciser le moment où l’on va passer (café, dîner, etc) et combien de personnes.
Consulter le site « onvasortir.com » qui permet de rencontrer de nouvelles personnes autour de différentes activités (par exemple le chant, le développement personnel…).
Ne pas compter sur l’école pour tout : l’école est faite pour apprendre non pour éduquer
Etre persuadé qu’il n’est pas nécessaire de « tout » avoir sur le plan matériel, les jouets, etc et le dire à ses enfants
Redonner la valeur de l’argent, ne pas tout dépenser, savoir refuser quelque chose aux enfants
Ce qui a été le plus dur :
En arrivant de Haiti je me sentais enfermée ici, ça ne correspondait pas aux rêves que je m’étais faits.
Le sentiment d’être un peu entre deux chaises, ni totalement d’ici ni encore moins de là-bas. Quand je retourne dans mon pays d’origine que j’ai quitté toute jeune enfant, je suis comme une étrangère.
Le manque de solidarité : par rapport à mon pays d’origine mais aussi à Paris par rapport à Deuil la Barre. Les français ne se soutiennent pas, par exemple pour les personnes âgées
L’éloignement de la famille surtout l’absence de la mère, la sœur, au moment des accouchements
L’isolement, la solitude sans la présence de ma famille et sans place en crèche. Difficile de faire des rencontres quand on est célibataire ou divorcée avec des jeunes enfants. Manque de structures, de lieux de vie comme les ludothèques.
« ce que je veux c’est qu’ils s’intègrent bien, toujours mieux c’est ça la priorité. Après, il ne faut pas oublier d’où l’on vient »
La cuisine de mon pays, que d’ailleurs je ne maîtrise pas bien moi-même
La connaissance de la langue d’origine : créole, arabe etc
L’amour de ma ville d’origine Paris : ses odeurs, son bruit, son architecture
La fierté d’être bretons, l’amour de la mer.
L’importance du soutien familial proche par exemple au moment des naissances
Le respect du Ramadan, un mois de purification du corps//ressentir la faim de celui qui n’a pas à manger
Le respect des grands parents, des parents, du voisin : le plus grand a la raison, l’expérience … l’autorité n’est pas remise en cause
Le manque de civisme : voisins qui souillent le local poubelle, les encombrants mis n’importe quand et comment et le manque de respect des riverains
Le manque de respect des petits pour les instituteurs
ETRE ENSEMBLE
Créer des lieux de rencontre et instaurer des rendez-vous réguliers : « La Maison des Familles » //activités// lieu privilégié de rencontres, d’activités et d’échanges fréquenté régulièrement et très apprécié.
« Le Café Solidaire » du secours catholique = « un café magique qui permet de sortir de sa solitude ».
Créer un réseau de mamans solos : celles qui sont en congé maternité, en congé parental, divorcées…
Ouvrir un lieu d’accueil parents/enfants (le mercredi après-midi et le samedi matin) qui serait animé par une professionnelle de l’éducation ou de l’enfance.
FAIRE ENSEMBLE
Construire un projet ensemble : les mamans proposent de développer des activités dans la commune pour faire mieux connaître la culture française, organiser des rencontres avec des personnes ayant une autre culture, des parcours de vie différents du leur, venant d’autres quartiers ; elles disent que ce sera un enrichissement pour leurs enfants et la découverte d’une autre façon de vivre.
Créer des évènements : chasse aux œufs, expositions, concerts, portes ouvertes talents dans toute la ville avec temps convivial final. Les mamans souhaitent participer avec leurs enfants à des actions culturelles, musicales, picturales, théâtrales, sous forme d’ateliers accessibles à tous.
Mettre en place différents ateliers, des repas partagés comme au café Solidaire.
INSTAURER DES REGLES DE SAVOIR VIVRE
Eduquer les parents : insupportable de voir des touts petits « traîner » dans la rue à 22.00h.
Instituer un temps de ‘morale’ à l’école. Apprendre la citoyenneté.
Pratiquer la politesse : dire bonjour et continuer à le dire jusqu’à ce que la personne réponde ; tenir la porte devant les poussettes d’enfants.
Frapper à la porte du voisin même désagréable pour prendre des nouvelles.
S’OUVRIR AUX DIFFERENCES
Echanger les écoles, les instituteurs pour un temps.
Aller vivre un jour ou deux dans le quartier de l’autre, faire du lien.
Respecter les valeurs de la là où l’on vit : ma voisine tunisienne musulmane a toujours fêté Noël.
Ecouter les jeunes, les consulter et créer des occupations adaptées. Si on respecte les jeunes, ils nous respectent.
Mettre des HLM en centre-ville.
FACILITER LA CIRCULATION DANS LA VILLE
Créer un minibus, une navette gratuite pour faciliter les déplacements qui sont trop chers et trop longs (souvent 2 changements de bus pour aller d’un quartier à l’autre).
AMELIORER LA COMMUNICATION DANS LA VILLE
Affichage, flyers dans les boites aux lettres, site de la ville pour permettre aux habitants d’être mieux informés de ce qui se passe dans leur ville.
LES SUITES DU DINER SUR PLACE A DEUIL LA BARRE : « Verbatims »
« action intéressante, belle découverte » « des échanges qui permettent d’avoir une vision différente et de se projeter dans l’avenir » « des rencontres qui permettent d’apprendre à se connaître » « nous sommes devenues amies sur Facebook » « reconduire des déjeuners, dîners rencontres de ce type plusieurs fois par an sur d’autres thèmes… forte demande »
Comme indiqué par les mamans et dans l’édito, l’école garde toute sa place tant pour l’intégration réussie des enfants et des jeunes par les études et l’éducation que pour celle des parents qui y trouvent un lieu de rencontre et sociabilisation. Nous avons rencontré Jean Baptiste Nouailhac, Fondateur d’un type d’écoles un peu particulier. Nous vous laissons en découvrir le principe ci-dessous
La fondation Espérance Espérance Banlieues favorise le développement d’écoles indépendantes au cœur des quartiers en grande urgence éducative.
Elle a pour mission de :
– Favoriser l’accès de tous les enfants de banlieue à une instruction de qualité.
– Transmettre la connaissance et l’amour de la culture française.
Pour répondre au 1er point et satisfaire les besoins des enfants qui ne partent pas avec le même bagage, il est nécessaire de renforcer les matières fondamentales comme le français. Il y a donc plus d’heures de français dans leurs écoles.
La recette d’Espérance Banlieues pour une bonne intégration et pour mieux vivre ensemble, c’est de mettre en avant ce qui rassemble et non ce qui différencie, tout en respectant l’héritage de chaque enfant.
Les professeurs sont investis dans l’école et présents tout au long de la journée, pendant le déjeuner, la récréation, donc ils connaissent très bien tous les enfants. Ils sont motivés pour enseigner en banlieue et sont bienveillants. Les enfants sentent qu’ils sont aimés par les adultes.
Tous les matins il y a la levée des couleurs et la Marseillaise. Les enfants ont un uniforme ce qui donne ce sentiment d’appartenance à l’école, à une communauté. Le vouvoiement est utilisé par les professeurs, ce qui permet aux enfants de se sentir valorisés.
Il y a aussi dans l’école un système d’entraide composé d’équipes avec des aînés qui aident les plus jeunes et où les enfants d’origine différentes sont mélangés.
Pour aider les parents, Espérance Banlieue a monté « l’école des parents » qui propose un rendez-vous mensuel autour d’un café pour aborder des thèmes qui les concernent tels que la sexualité, le harcèlement dans la rue… Pour garder un contact direct avec les parents l’école communique beaucoup par SMS.
Les écoles s’adressent à tous les enfants des banlieues sensibles, quelle que soit leur origine ; il faut seulement que les familles adhèrent au projet pédagogique. Il y a beaucoup d’enfants d’origines différentes mais cela n’a aucune importance pour Espérance Banlieues, qui centre son action sur ce qui unit à la nation française.
La fondation est créée en 2012, elle a aujourd’hui 8 écoles (primaires et collèges) implantées en banlieue et elle prévoie d’ouvrir 2 nouvelles écoles en 2018. Elle vit grâce aux dons des particuliers, des entreprises et des fondations. Pour plus d’information allez sur le site www.esperancebanlieues.org
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